Une maison donnant sur la ruelle

Ah, si j’avais une maison donnant sur la ruelle ;

Je peindrais sa porte de couleurs capables de faire oublier aux passants les teintes ternes de la vie,

Et je placerais à côté une jarre d’eau recouverte d’un tissu brun clair,

D’où germeraient des épis d’orge, nourris par l’eau que verseraient les passants, par amour pour la vie et espoir en elle.

Ah, si j’avais une maison donnant sur la ruelle ;

J’y installerais un long banc, porteur de la mémoire vive du quartier,

Je le décorerais du hanbal que ma grand-mère disait avoir tissé pendant des mois,

Et j’y attendrais ceux que la solidité du corps a trahis,

Pour qu’ils y trouvent un moment de répit, en contemplant ce qu’il leur reste après un long parcours.

Ah, si j’avais une maison donnant sur la ruelle ;

J’en ornerais la porte de toutes les fleurs que ma mère Aïcha entretenait avec soin,

Comme une colombe veille sur ses petits,

Et je partagerais les pots avec les visiteurs et les passants,

Avec quiconque serait attiré par les couleurs éclatantes des tagètes ou le parfum du basilic,

Et même par les motifs gravés sur des pots façonnés dans l’argile de la ville,

Modelés autrefois par ma mère Fatima, avant que le destin ne nous l’arrache.

Ah, si j’avais une maison donnant sur la ruelle ;

J’y installerais une petite bibliothèque pour séduire les enfants comme les adultes,

Remplie de bandes dessinées, de romans d’auteurs renommés, de journaux et de magazines,

Peut-être pourrais-je ainsi, de temps à autre, défier les écrans plats.

Ah, si j’avais une maison donnant sur la ruelle ;

Je resterais près de sa porte,

J’attendrais qu’on me tende une planche de pain à porter au four du quartier,

Ou un panier si lourd qu’il a fait fléchir le bras de son porteur,

Je raconterais à l’enfant du voisin des histoires familières, souvent entendues,

Et je parlerais avec une amie ou un ami rencontrés à la porte du quartier,

Liés par cette culture d’amour semée dans chaque maison de la ruelle.

Ah, si j’avais une maison donnant sur la ruelle...